« L’île peut présenter un tableau idyllique quand on vient de l’extérieur. Mais il ne s’y trouve pas non plus l’équilibre que l’on recherche tous »
L’année dernière à la même époque, je recevais le docteur Philippe Lentz pour qu’il nous partage sa vision du confinement et de la situation sanitaire sur l’île. Quelques mois avant le déclenchement de cette crise, j’avais déjà tendu le micro à Philippe pour l’écouter me raconter son parcours, son lien à Porquerolles et aux porquerollais, son choix d’exercer ici et son quotidien de médecin urgentiste sur l’île. C’est le témoignage que je vous propose de découvrir aujourd’hui. Il n’est donc pas question de COVID dans cet épisode. La parole de Philippe nous ramène dans la vie d’avant en quelque sorte, bien qu’à Porquerolles, certaines constantes demeurent quand on est médecin, COVID ou pas.
Philippe est arrivé à Porquerolles il y a une vingtaine d’années. Après avoir assuré des remplacements pendant 3 ans sur d’autres îles, en Nouvelle-Calédonie dans les Antilles ou à Port-Cros, il découvre Porquerolles. Il prend la succession du médecin en place, conscient du « piège » à venir exercer ici, que ses collègues ne manquent pas de lui rappeler : « Tu es celui qui aime le plus Porquerolles mais tu es celui qui en profites le moins »
Amoureux de nature et de mer, Porquerolles semble en effet la destination rêvée. Pourtant, on comprend vite en l’écoutant que c’est sur d’autres rivages que Philippe se ressource en famille. A Porquerolles, il est le médecin, avec ce que cela signifie de responsabilités et de disponibilité. Ce qui n’exclut pas dans ce microcosme que des liens forts entre un médecin et ses patients peuvent se tisser.
Autant attaché à la nature qu’à la vie de village, il aime ce côté « pétillant, à la Pagnol » de la vie insulaire dont il déplore la lente disparition. Il est aussi conscient des limites à vivre dans un endroit où les interactions sont si resserrées « Quand on est dans un petit village, il faut composer avec la nature humaine. »
Dans son manuscrit « Carnet de santé à Porquerolles » que Philippe m’a permis de lire en amont de l’entretien, il livre un mélange d’impressions et de souvenirs personnels sur l’île, de références historiques, artistiques. Il y raconte sa vie de médecin à Porquerolles, propose un véritable « manuel de survie » sur l’île : comment survivre aux piqûres de méduses, de taons et d’oursins…Totalement inclassable, à la fois sérieux, précis, et très documenté sur l’Histoire, la médecine, les plantes médicinales, l’ouvrage, ponctué d’anecdotes truculentes, ne manque ni d’humour de poésie. Philippe explique comment lui est venu l’idée de ce livre, évoque avec discrétion quelques visiteurs de renom : Jean Rochefort dont il fut l’ami, Mylène Demongeot, des ministres, Kad Merad ou Zinedine Zidane…
Dans cet entretien, il décrit l’évolution de la pratique médicale sur l’île, depuis la médecine naturelle à base de plantes pratiquée par l’Abbé Bozon à la fin du 19ème siècle à celle qu’il pratique aujourd’hui avec les internes dont il s’entourent durant la haute saison pour faire face à l’afflux de touristes. Il nous partage les évolutions qu’il perçoit depuis son arrivée sur l’île il y a 20 ans dans la vie de l’île, le tiraillement entre l’exercice de son métier, son engagement, sa vie de famille…
Une consultation à cœur ouvert qui ravira tous les auditeurs atteints de porquerollite, cette maladie locale, incurable et contagieuse dont on ne souhaite pas forcément guérir…et tous ceux qui s’interrogent sur le quotidien d’un médecin urgentiste sur une île telle que Porquerolles.